olivier1973
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05 Nov 2007, 10:35 |
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Article publié le dimanche 4 novembre 2007 dans La Provence.
Ils ont écrit leur retour de l'enfer
En 2004, Fred Maggiani, pompier à Marignane, était brûlé vif. Avec son épouse, il a rédigé un livre poignant
Écrire pour exorciser,écrire pour laisser à deux enfants le témoignage d'une vie. Et puis ne rien oublier depuis ce 24juillet 2004: de l'immense souffrance d'avoir brûlé vif, "d'être passé dans un chalumeau géant", jusqu'aux minuscules conquêtes -glisser son pouce dans sa ceinture, lacer ses chaussures...- autant de défis relevés jour après jour pour se reconstruire, reprendre sa place de chef de famille et, demain, celle de capitaine des sapeurs-pompiers.
Fred Maggiani, 32 ans, a été happé par les flammes, dans l'explosion d'une bulle de gaz, sur une crête du massif de l'Estaque. Il y a perdu ses mains et son visage. Écrire, Frédérique Maggiani, sa femme, en a vite ressenti la nécessité, depuis ce soir d'été noirci par la fumée des incendies qui ravageaient les Bouches-du-Rhône.
De la fenêtre qui surplombe son évier dans lequel elle faisait la vaisselle, Frédérique a tout de suite compris lorsque deux voitures de pompiers se sont garées devant sa villa. Dans l'après-midi, Fred, son mari, avait abandonné la peinture des portes de placards pour rejoindre sa caserne, ses collègues, à Marignane.
Aujourd'hui, la jeune femme sourit en décrivant ce souvenir du moment où sa vie a basculé : "Une vraie scène de film américain !" Sur son agenda, elle a commencé à consigner la petite voix de son fils, derrière elle, intrigué par cette visite tardive d'étrangers: "Papa est mort?" Non, vivant mais brûlé.
Écrire, Fred s'y est mis à son tour dès qu'il a pu, après un mois et demi de coma puis sept mois de rééducation. Dès qu'on lui a décousu les paupières, scellées pour éviter la rétraction de la peau greffée. Un point avait sautéau coin de son oeil gauche: un chas d'aiguille pour voir le monde.
Écrire dès que les deux pouces de ses mains amputées, racornies, ont pu enfoncer les touches du clavier d'un ordinateur. "On avait rédigé dix pages, avec nos mots, mal écrites". De ce brouillon, un journaliste a proposé de faire un livre, de se mettre en quête d'un éditeur. À l'épreuve du feu est sorti vendredi. Un récit écrit à deux voix. Frédérique et Fred s'y répondent.
"C'est un dialogue car on a vécu cela à deux". Lui raconte sa traversée d'un mur de feu, cette course en enfer sur trente mètres. Seule la pensée de ses deux garçons l'a arraché à la mort. "Te plains pas, t'étais mort y a trois mois", lui ressassait un médecin du centre des grands brûlés à Marseille, à chaque baisse de moral.
Frédérique confirme le courage de son mari: "Il a toujours rendu l'insupportable supportable. C'est un bulldozer". Cette femme de pompier est unanimement louée comme une mère courage. Frédérique, une femme très forte, combative, un exemple... "Mais j'ai beaucoup pleuré aussi, seule. On attendait beaucoup de moi". Elle a versé des larmes sur la disparition de ce visage, de ses deux mains, "tout ce que j'aimais le plus chez Fred".
Ils ont sauvé leur couple grâce aux enfants, leur "lien d'amour". Ce nouveau papa a dû les réapprivoiser. Pour leur première rencontre, après une séparation de quatre mois -une éternité pour Fred-, leur oncle avait eu l'idée de dessiner l'image de Spiderman sur le masque que Fred a porté de longs mois pour contenir les chairs.
"On se disait, ça va les amuser. On s'est gourés, ça les a effrayés". Écrire pour témoigner de la brûlure... De ses conséquences sur la vie familiale et sociale. "Le regard des autres, je n'en ai jamais eu peur". Mais pas question d'aller chercher les enfants à l'école ou à l'entraînement de foot. "Quand je les emmène, c'est comme un voleur".
C'est aujourd'hui encore pour Fabien et Mathieu que Fred ira au bout de son chemin de croix, de greffe en greffe pour reconstruire un nez, des oreilles. Il acceptera encore ce litre d'eau, dans une poche sous sa peau pour en fabriquer plus. Quitte à avoir le crâne ou le front déformé.
Fred vit encore à cent à l'heure. Il attend le jour où il repartira commander des hommes sur le front des feux de forêt. Un feu qui l'a avalé un jour mais n'a consumé ni l'amour des siens, ni sa force de vie.
Et aussi, aujourd'hui dans La Provence :
- "Un homme et une femme à l'épreuve du feu" : nous publions dans notre journal des extraits que Fred et Frédérique Maggiani dédient à leurs deux fils et aux soldtas du feu.
Par Luc Leroux ( lleroux@laprovence-presse.fr |
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