Le sapeur-pompier, dans l’exercice de ses fonctions, appartient à la fonction publique territoriale. Court rappel des droits, des obligations, mais aussi des règles morales régissant le statut du soldat du feu en France.
Les droits et obligations du sapeur-pompier résultent de son appartenance à la fonction publique territoriale (FPT). Ce sont les lois du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et du 26 janvier 1984 relative à la FPT qui définissent dans le cadre du statut général de la fonction publique ces droits et obligations. La nature statutaire de ces deux notions n’enveloppe pas l’ensemble des règles déontologiques. La déontologie regroupe, en effet, « pour les personnes exerçant certaines activités publiques ou privées, les règles juridiques mais aussi morales qu’elles ont devoir de respecter ». (« Lexique de termes juridiques », sous la direction de R. Guillien et J. Vincent. Dalloz, dernière édition p. 159. Sur la notion de déontologie voir également C. Vigouroux. Déontologie des fonctions publiques, Paris, Dalloz 1985.). Notion donc plus large que celle de droit ou d’obligation, la déontologie place le sapeur-pompier face à la morale qui ne fait l’objet à ce jour d’aucune réglementation générale et officielle, à la différence par exemple de la police nationale (décret du 18 mars 1986 portant code de déontologie de la police nationale). Cependant, l’existence de règles morales applicables aux SP est incontestable, voire incontournable dans l’exercice quotidien de cette fonction. Ces règles sont le produit de l’histoire, d’une culture professionnelle spécifique dont les premiers manuels à usage du SP communal ou militaire gardent une trace certaine. Les règlements intérieurs des corps départementaux font d’ailleurs expressément référence à certaines de ces règles qui font bien souvent l’unanimité chez les SP. Sans peut-être détenir la rigueur de la règle juridique, notamment du fait de l’absence de sanction du comportement déviant, les règles morales qui guident la profession détiennent une force non négligeable par leur simple existence. Toutefois, les identifier et les analyser dans le cadre d’une démarche scientifique méritent sans doute être l’écueil d’une étude plus exhaustive en les comparant aux règles écrites qu’elles complètent, influencent et parfois modifient. La déontologie rassemble donc à la fois les droits et obligations mais aussi les règles morales du SP. Les deux premiers s’imposent avant tout au fonctionnaire, à l’agent public ; les secondes au sapeur-pompier en tant que tel. Placer le pompier ainsi face à ses devoirs moraux appelle de l’audace. En effet, peu de documents ou de textes sont venus préciser la partie morale de la déontologie du SP. Cependant, la culture du service public d’incendie et de secours, parfois simplement par les devises (« Sauver ou périr », « Courage et dévouement »…), qu’il s’est donné, fait référence à des notions morales. Dans le cadre de cet article, en se référant au RIM ou au règlement intérieur des Sdis, mais aussi au Manuel du sapeur-pompier du capitaine Hamon, document historique des années d’avant-guerre et qui traite de « morale » (capitaine Hamon du régiment de sapeurs-pompiers. « Manuel du sapeur-pompier 2e édition, œuvre pour la sécurité et l’organisation des secours. Reconnu d’utilité publique. Décret du 16 juin 1930. D). Education morale p. 218 ), il convient de présenter quelques règles objectives qui ont toujours cours dans les corps de sapeurs-pompiers et qui trouvent origine par delà l’évolution des mœurs et de la morale dans l’histoire et la culture d’une profession. Nous pouvons ainsi avancer que le sapeur-pompier détient des devoirs, tant d’abord envers lui-même, ensuite envers ses camarades, bien entendu envers la population, envers ses chefs, mais aussi ses subordonnés et, enfin, envers son corps.
Les devoirs du SP envers lui-même
Avant tout, « le sapeur se doit de fortifier son corps et se garder de tout ce qui pourrait nuire à sa santé » (« Manuel du capitaine Hamon p. 218. B). Devoirs envers soi même). Nous savons que l’aptitude physique est requise pour l’exercice de cette fonction et nous savons que la pratique du sport (RIM) est indispensable et obligatoire pour devenir un pompier efficace. Dans le même esprit, tout en respectant les obligations imposées par la législation du travail, le pompier se doit d’avoir un comportement rigoureux face à l’alcool ou aux stupéfiants. Leur consommation sur les lieux du travail mais également les abus qui auraient lieu en dehors de l’exercice des fonctions sont contraires à l’éthique que se propose d’atteindre le pompier qui se réfère volontiers à la devise célèbre de M. de Coubertin « Un esprit sain dans un corps sain ». Ensuite, le pompier « se doit de développer son instruction générale, d’étendre ses connaissances….. » (idem p. 218. B), devoirs envers soi-même). Cette obligation d’instruction répond à la diversité des missions des sapeurs-pompiers. Par ailleurs, le pompier ne peut connaître superficiellement les tâches dévolues à sa fonction. Il lui est demandé non seulement de bien connaître son métier, mais aussi d’en avoir la passion, « le feu sacré ». Il est remarquable que cette exigence ait traversé les siècles. Ainsi le cne Hamon pouvait à l’époque déjà écrire : « Dans ce métier, plus que tout autre, il faut être prêt, toujours prêt à partir au feu. La négligence, l’insouciance, le manque de conscience professionnelle sont coupables et peuvent avoir des conséquences catastrophiques… C’est un devoir de bien connaître son métier. Il faut de plus l’aimer avec passion, avoir le feu sacré » (idem p. 219. E, mission du SP devoirs envers la population). En octobre 2000, le lt-colonel Daniel Ory, alors président de la FNSPF, décrivait dans la préface d’un ouvrage, les sapeurs-pompiers professionnels et volontaires en ces termes : « Les uns ont fait de leur passion un métier et les autres sont de simples citoyens qui ont une passion à côté de leur premier métier» (In François Bertin. Sapeurs-pompiers techniciens du risque et de l’urgence, éditions Ouest France, octobre 2000). Avoir le feu sacré est une exigence morale qui ne laisse place qu’aux vocations.
Les devoirs vis-à-vis des camarades
Le sapeur « évite tout ce qui peut-être une cause de désunion » (cne HAMON ouvrage cité p. 218). L’exercice de cette profession semble exclure l’esprit d’individualisme. Ce métier d’équipe par excellence impose une solide cohésion entre les membres d’une même section qui vivent ensemble jour et nuit, d’un même engin pompe qui part combattre souvent l’inconnu, d’un même binôme d’attaque qui pénètre dans l’appartement embrasé. Au temps du cne Hamon, comme au nôtre, la sécurité du porte-lance dépend toujours du double porte-lance.
Les devoirs envers la population
Le SP se doit d’avoir un sens particulier du service public. Cette exigence résulte de la grandeur de son rôle et de sa fonction sociale tels que définis par les textes (article 2 loi du 3 mai 1996). Sa mission de préserver la vie des hommes et de leurs biens impose un certain esprit de sacrifice qui est contenu dans la devise « Sauver ou périr ». Savoir accepter les risques du métier renvoie également à une éthique de vie guidée par « Le courage et le dévouement ». D’ailleurs « le dévouement est une vertu obligatoire » (cne Hamon ouvrage cité p. 219) et c’est bien elle, sans doute, qui conduit les pompiers à accepter certaines interventions d’assistance qui sortent du cadre légal de leurs missions et qui font des SIS un véritable acteur de la cohésion sociale républicaine (« Le Service public », apport au Premier ministre. Mission présidée par R. Denois de Saint-Marc. Collection des rapports officiels. La documentation française 1996.).
Envers les chefs et les subordonnés
Le lien qui s’établit entre le chef et le subordonné est complexe. Etabli par analogie, tout au long de leur histoire, sur le mode de fonctionnement militaire, la hiérarchie existante au sein des SIS n’en possède pas les mêmes outils de commandement. Cependant, c’est bien du commandement dont il s’agit lorsque le commandant des opérations de secours (COS), met en œuvre ces moyens humains et matériels pour lutter contre un sinistre. Ainsi, les subordonnés en règle générale doivent pouvoir avoir confiance en leurs chefs, quels que soit leurs grades. Cette confiance peut se manifester par des marques de respect, notamment pour les plus anciens. En contrepartie, le chef doit savoir susciter l’adhésion et c’est à l’exemple qu’il recourt pour se faire « obéir d’amitié ». A bien des égards, la devise « L’exemple n’est pas une manière de commander, c’est la seule », semble s’imposer naturellement aux exigences que nécessitent les rapports hiérarchiques au sein de cette profession. Sur ce thème, le colonel Beltramelli, dans son « Guide de l’officier des SP communaux », rappelle quels sont les devoirs qui s’imposent au chef : « Le chef doit être pour ses subordonnés un exemple. Il doit savoir les commander et susciter leur adhésion » Constamment pénétré de la mission qu’il a accepté de remplir, il en assurera l’exécution avec abnégation, courage et opiniâtreté. « L’élévation de ses sentiments, l’affectation qu’il sait inspirer, sa formation professionnelle et intellectuelle, sa valeur physique, son activité constante, son courage reconnu, son calme au cours des opérations, sa tenue en toute circonstances, sont les éléments de la confiance que le chef doit susciter chez son personnel » (« Le guide de l’officier de sapeurs-pompiers communaux. Troisième édition. France sélection. Chapitre III « Le chef ». Art. 3 – Le chef. P. 23).
Et envers son corps
« L’uniforme que le sapeur porte lui commande de ne rien faire qui puisse nuire à la réputation de son régiment, mais, au contraire, de donner par sa tenue, son attitude, sa conduite, une haute idée du corps où il sert avec fierté » (cne Hamon, ouvrage cité p. 220). Ces déviances sont décrites avec précision dans le vieux manuel où est issue cette phrase (idem, p. 216). Sans doute aujourd’hui dépassé, le port d’une tenue de pompier impose tout de même une conduite qui soit compatible avec ce qu’elle représente. Au-delà de la force symbolique de la tenue à passepoil a rouge, c’est le respect que force le souvenir des pompiers « morts au feu » qui commande un attitude correcte. Cette attitude impeccable de sorte à ne donner aucune impression fâcheuse sur son corps s’étend jusqu’à l’interdiction de fumer lorsque le pompier est coiffé d’un casque… par simple respect qu’imposent les « morts au feu ». C’est d’ailleurs bien souvent pour leur rendre hommage que les sapeurs-pompiers tirent de leur culture civilo-militaire, l’ensemble des marques de tradition (drapeau, garde drapeau…), qui leur permettent d’organiser des cérémonies militaires. Ces sujétions qu’elles soient légales ou morales sont particulières et d’importance.
Texte > commandant Olivier Riquier, Sdis 06, conférencier à l’Ensosp Photos > sss > spmag951 novembre 2003
http://www.lesapeurpompier.fr/article.php?sid=2904
En étant connecté, vous pouvez modifier ce terme et ajouter des précisions.