Officier sapeur pompier au corps d'Aix en Provence, responsable pendant dix ans du groupe de Secours en Montagne d'Aix en Provence, Serge Montesinos a créé en 1991 Pompiers Sans Frontières.
Le domaine de compétence de cette Organisation Non Gouvernementale est, au sein de la sécurité civile, la transmission de savoir-faire sur le terrain internationnal.
A la suite d'une de ses visites (26 février 2003) à Istanbul nous l'avons rencontré. Il nous fait ainsi part de son expérience sur différents terrains: Amérique Latine, Ex-Yougoslavie, Turquie.
Quand est venue l'idée de créer Pompiers Sans Frontières ?
Au cours d'un voyage au Pérou, je suis témoin d'un accident de la route dramatique. Choqué, je découvre alors d'autres sauveteurs. Des hommes de bonnes volonté et d'abnégation, qui ont peu de moyens. Le bilan est terrible: 50 morts.
La crise sévissait, des bombes explosaient tous les jours. Et dans cette vie quotidiennne difficile pour tous, les pompiers sont tous des volontaires au service des autres. Et par rapport au moyens que l'on possède en France, il n'était pas possible de les laisser comme ça !
Ainsi, Pompiers Sans Frontières est né de la volonté de quelques personnes qui ont décidé de se rassembler afin d'apporter une aide de formation aux personnels sur place. Dès le départ, nous avons tenu à respecter les réalités socio-culturelles des pays bénéficiaires. La première idée n'est pas partie d'une réflexion murie, mais elle est venue d'une réelle prise de conscience.
Donc l'aventure est née en Amérique latine !
En effet, Pompiers Sans Frontières a d'abord développé ses actions en Amérique latine. Le concept a tout de suite été d'effectuer des opérations d'évaluation, afin de bien saisir les difficultés des différents acteurs locaux, pour adapter au mieux notre aide.
Il a fallu deux ans avant que l'on puisse revenir avec du matériel et que l'association existe. Sept pompiers français sont revenus pour travailler avec les pompiers de Lima. C'est principalement du matériel de secours pour accidents de la route que nous avons apporté cette fois-ci. Afin de mieux de partager les problèmes du Pérou, nous avons accompagné nos collègues péruviens dans leur vie de caserne. Nous avons participé à toutes leurs interventions: attentats à la dynamite, accidents de la route...
Vous avez pu réaliser la difficulté quotidienne du secours au Pérou !
Très vite, nous nous sommes rendu compte que la sécurité civile n'avait pas le même sens, les mêmes moyens, la même codification que nos systèmes.
Le corps des Pompiers Français regroupe un large champ de compétences (sauvetage, gestion de materiel, sanitaire, médecine avancée), ce qui n'est pas le cas dans de nombreux pays. Ces compétences sont réparties sous plusieurs responsabilités. Ce bilan fait, Pompiers Sans Frontières a dû tisser un lien avec les différents responsables des différents champs d'activés.
A partir de cette phase, nous avons développé des formations concernant autant les risques naturels que les risques technologiques. Nous avons été amenés à nous informer précisément sur le plan juridique, pour permettre une amélioration du sauvetage en cas de catastrophe majeure. Ce travail de formation est principalement basé sur la sensibilisation.
Mais, Pompiers Sans Frontières ne s'est pas contenté de transmettre un savoir. Nous avons développé un travail pratique afin de doter les pays concernés d'outils qui permettent un vrai développement durable en terme de sécurité civile. L'assistance internationnale est nécessaire, mais une indépendance en cas de castastrophe majeure est indispensable.
Comment êtes-vous intervenus dans les Balkans ?
Samir, un pompier de Mostar, francophone, m'appelle: "Serge, nous avons besoin de vous. Nous n'avons plus rien".
C'est donc plutôt l'actualité qui nous a fait intervenir dans les Balkans. Pendant deux ans, nous avons soutenu nos collègues de Mostar où leur chef était Serbe et la majorité de nos collègues pompiers Bosniaques.
Au départ, nous avons essentiellement apporté une aide matérielle mais rapidement ce n'était plus possible… Tout était détruit ! Tout devenait matériel de guerre: ambulance, pansements, médicaments, casques de pompiers, groupe électrogène ...
La caserne était bombardée. Il n'y avait plus rien à manger, plus de matériel de secours et pourtant il fallait continuer.
Des pompiers à la guerre !
La guerre, je l'ai vue à Mostar. La guerre, c'est des pleurs, c'est des larmes. La guerre, c'est des gens qui crient, c'est une balle dans la jambe. La guerre c'est des gens qui meurent dans les trois minutes, c'est des enfants morts par des obus de mortiers. La guerre, c'est la haine entre les peuples, c'est la peur.
C'est très difficile de ne pas sombrer dans la haine pendant la guerre. La guerre, c'est comme un feu de forêt : quelqu'un allume une allumette, le feu part, et après il devient incontrôlable, il s'auto-allimente, ce n'est plus possible de l'arrêter. Une fois le feu éteint, ce n'est pas fini. Quand tu regardes la forêt : toute noire. Combien de temps pour réparer? Il faut une génération pour une guerre civile.
On se trouve dans une situation de conflit et de destruction, ce n'est pas du ressort d'une ONG.
Cependant nous avons continué à soutenir les pompiers de Mostar, car c'est avec des hommes comme ça qu'un pays peut se reconstruire. Nous avons été témoin d'un conflit avec tout ce que cela comporte comme violations des règles de convention, tant sur le plan hospitalier que pompier.
Sur 30 pompiers de la caserne de Mostar, 5 ont été tués en mission et 15 blessés.
Ensuite vous êtes intervenus au Kosovo ?
Pompiers Sans Frontières est intervenu pour s'occuper des réfugiés Kosovars en Albanie. A Mitrovica, nous avons tenté de réunir Serbes et Kosovars dans la même caserne. On a presque réussi. En tout cas, il n'y a pas d'objection pour que les hommes se regroupent pour une idée commune : le sauvetage universel. Mais les instances politiques ne permettent pas toujours aux peuples de travailler ensemble !
Racontez-nous comment ça s'est passé en TURQUIE après le terrible tremblement de terre qui a eu lieu en 1999.
C'est un appel de Nazan, en pleurs, après la deuxième secousse en novembre 1999, qui nous a décidé à partir en urgence. Dés lors, Pompiers Sans Frontières a reconsidéré sa position sur son intervention d'urgence. Intervenir en urgence nous permet de pouvoir réaliser un travail dans la continuïté de nos actions. Trois maîtres chiens sont partis sur les lieux. Pendant deux mois, avec les pompiers d'Izmit, nous avons réalisé un programme de formation d'intervention après une catastrophe majeur en termes de risques chimiques, déblaiement, accès routiers…. C'est une action sur le terrain, mais avant tout il s'agit d'un transfert de compétences qui doit aboutir à l'autonomie.
En ce moment, on cherche à diffuser ces informations de sauvetage sur d'autres structures. Par exemple, en Turquie, la formation s'est étentue à Ankara sur les feux de forêts. Les compétences de secours doivent être diffusées le plus largement possible.
Le Pompier Français n'est pas uniquement le soldat du feu, mais son action concerne aussi et plus largement la mise en sécurité des personnes. Souvent, dans chaque pays et pour chaque problème il existe un service différent. L'objectif est donc de metre en synergie ces différents organismes d'urgences: pompiers, hopitaux, armée, bénévoles...
Pouvez-vous faire un bilan sur votre situation d'aujourd'hui ?
Douze ans après notre première venue à Lima, une délégation d'instructeurs péruviens travaillent en autonomie. Aujourd'hui, les Pompiers Sans Frontières péruviens développent, pour les pays mitoyens, des écoles de protection civile. Le Pérou fonctionne en autonomie. C'est l'objectif de Pompiers Sans Frontières pour la Turquie.
Au Mexique, nous travaillons avec des universités de centres de prévention. De très bons travaux d'études sont réalisés, mais il y a un décallage avec le terrain.
L'idée est que la Turquie et le Mexique sont des pays qui ont des caractéristiques similaires. L' idée serait donc de les mettre en contact.
Pompiers Sans Frontières a peut-être un savoir mais n'a pas pas le vécu de la catastrophe. Le respect et l'écoute des peuples est à la base de notre travail. Le plus dur est d'expliquer aux politiques locaux que tout le monde à y gagner. La culture du risque est un manque et ceci est valable partout. Il faut convaincre les administratifs locaux. Il y a un important travail à effectuer avant, pendant, mais surtout après la catastrophe.
Propos receuillis par Philippe Misischi
pmisischi@yahoo.com
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