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25 Sep 2008, 21:25 |
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Blaina Feu de cuisine suivi de flashover
Blaina Feu de cuisine suivi de flashover
Le 1er février 1996, à l’aube, un feu de pavillon cause la mort d’un enfant et de deux pompiers à Blaina (Royaume-Uni). Un incendie a priori « banal » qui aura pourtant des conséquences dramatiques Nous sommes le 1er février 1996 à Blaina, au sud du Pays-de-Galles (Royaume-Uni). Catherine H., 24 ans, se réveille dans son salon à 5 h 48 et découvre un début de feu non maîtrisable dans la cuisine. Elle ferme la porte menant au salon puis évacue car l’habitation est déjà envahie par la fumée. Un voisin alerte les secours à 6 h 03, affirmant que la maison est vide d’occupant. Cette information est relayée sur le trajet à l’autopompe de Blaina dont l’équipage se compose de six pompiers volontaires bipés chez eux à 6 h 04, ainsi que de l’officier de garde. Dans cette zone classée à faible risque par la réglementation, le départ normal pour feu comprend un seul engin-pompe.
Parmi les sept appels reçus par la suite, celui de 6 h 09 est formel : « des enfants sont restés à l’intérieur ». Un deuxième engin-pompe est alors déclenché en complément. Mais l’information n’est pas transmise au premier engin. Dans le jardin enneigé, la mère hurle que Daniel, son fils de 5 ans, est encore à l’étage. Un voisin tente en vain de le secourir, mais l’escalier enfumé est impraticable.
L’intervention se situe à moins d’un kilomètre de la caserne. En route, le sous-officier Griffiths, le chef d’agrès de l’autopompe, qui se présente rue Zephania à 6 h 10, aperçoit le panache de fumée. Des particuliers s’agitent face au pavillon numéro 14, une construction en briques, R+1, implantée en barre. La porte d’entrée est ouverte, laissant s’échapper en partie supérieure un important panache de fumées noires. La fenêtre du salon au rez-de-chaussée et de la chambre au premier sont noircies mais intactes. Aucune flamme n’est visible. En toiture, des fumées claires s’échappent entre les tuiles. Un témoin s’approche et informe le chef d’agrès de la présence d’enfants à l’étage.
Un gros "Woosh" retentit. Les fenêtres cèdent et le pavillon entien s'embrase soudainement
L’équipe d’attaque établit une lance (tuyau 19 mm) équivalant à notre LDT au pied du pavillon. Équipé de tenues textiles en fibres non feu, le binôme s’engage sous ARI en reconnaissance à 6 h 11, par le hall d’entrée. Il accède à l’étage par l’escalier pour tenter le sauvetage des occupants. La lance est laissée en bas des marches, aucune attaque n’est menée. Le pompier Daniels reste à la porte d’où il observe des lueurs orangées dans le salon, venant de la cuisine. Ignorant qu’un engin est déjà en route, le sous-officier demande en renfort une deuxième autopompe, confirme la notion de victimes, l’établissement d’une LDT et les reconnaissances en cours.
Des témoins signalent un violent feu à l’arrière du pavillon, au RDC. Une deuxième LDT est établie par le fireman Williams, mais le cheminement est complexe car il faut contourner le pavillon mitoyen. Un sentier mène ensuite au jardin où la fenêtre de la cuisine a déjà cédé. Des flammes en sortent par toute la surface de l’ouvrant, hors de portée du deuxième moyen en eau. « Il y a une femme âgée à la fenêtre du 16 ! », crie un témoin à Williams, qui ne voit pourtant personne sur la face arrière. Il part donc en reconnaissance sur la face avant. Les ouvrants intacts laissent apparaître une fumée grise. Il frappe à la porte d’entrée pour alerter les voisins.
À 6 h 13, l’équipe d’attaque ressort, avec, dans les bras, un enfant inconscient qu’elle confie au chef d’agrès et à Daniels. Ce dernier pratique les gestes de survie sur l’enfant en arrêt ventilatoire. Un épais et véloce panache de fumées noires se dégage alors toujours en haut de la porte d’entrée, sans flammes visibles. Le Bat décaple et signale une très nette sensation de chaleur à hauteur des oreilles dans l’escalier. Une ambulance est demandée en renfort.
Environ deux minutes après ce premier sauvetage, le Bat se réengage, car les riverains insistent sur la présence d’un autre enfant à l’étage. Quinze secondes plus tard, un gros « whoosh » retentit. Les fenêtres cèdent, et le pavillon entier s’embrase soudainement. Moins de six minutes après leur arrivée, les secours sont confrontés à un développement rapide du feu à l’étage, suivi de l’embrasement généralisé de la structure. La porte intérieure du hall se referme alors brutalement sur le tuyau de la lance établie au pied de l’escalier.
Deux pompiers à terre !
Des hurlements proviennent du hall d’entrée. Le conducteur, le fireman Norris, se précipite et aperçoit un membre du Bat en bas de l’escalier. Malgré sa tenue en feu, le pompier reste debout. Il frappe désespérément contre la porte vitrée, coincée par le tuyau. Norris s’apprête à forcer celle-ci quand il voit la torche humaine s’écrouler dans le salon. Se retournant vers l’engin, il crie à ses collègues : « deux pompiers à terre ! » Puis, brisant le bas de la porte, il tente de localiser son frère d’arme au sol. En vain. Le chef d’agrès lui ordonne de capeler, de même qu’à Daniels.
6 h 17 : le binôme sous ARI enfonce la porte intérieure du hall, dégage le tuyau et s’engage au pied de l’escalier. La chaleur est écrasante, le feu pleinement développé. « Ils sont là », prévient Norris en voyant une botte dans l’entrée du salon embrasé. Leurs multiples tentatives de traction du pompier gisant au sol, l’un protégeant l’autre avec la lance, échouent face à la violence des flammes qu’ils ne peuvent maîtriser. Plus loin dans la pièce, hors de vue, une balise sonore de localisation s’est déclenchée.
Le second véhicule d’incendie, l’autopompe d’Abertillery, se présente peu avant 6 h 20. Un binôme s’engage en renfort de celui de Blaina pour tenter d’extraire les sauveteurs piégés. En parallèle, Williams, après avoir forcé la porte du numéro 16, dégage de la cuisine enfumée une femme âgée, intoxiquée. Une petite lance (LDV 40 mm) établie à 6 h 25 permet enfin de maîtriser le brasier. Au terme d’une dizaine de minutes d’efforts, les corps sans vie des deux pompiers sont péniblement dégagés, le premier à 6 h 27, l’autre à 6 h 29.
Respectivement ouvrier dans une usine et chef cuisinier à l’hôpital de Blaina, Kevin Lane, 32 ans, et Stephen Griffin, 42 ans, étaient tous deux pères de deux enfants. Quant au petit Daniel, extrait par le binôme d’attaque, il est encore conscient à 5 h 50, hurlant de terreur en haut de l’escalier. Mais malgré les appels de sa mère, il refusera de descendre. Il décédera sur place, intoxiqué. L’autre victime présumée à l’intérieur, Joshua (trois ans), est en fait retrouvé au RDC par sa mère un briquet à la main… Tous deux évacuent le pavillon avant l’arrivée des secours. Des témoins feront part de leur admiration et de leur émotion, face au dévouement et à la bravoure des pompiers dans leurs tentatives épiques de sauvetages des enfants, puis des leurs.
formés
Comment un « banal » feu de cuisine, dans un pavillon « juste enfumé » à l’arrivée des secours, peut-il se transformer, six minutes après, en un embrasement généralisé de la structure ? Les familles endeuillées, les 15 pompiers de Blaina qui effectuent une centaine d’interventions par an, et tous les pompiers anglais veulent comprendre.
Dès 1996, une commission d’enquête et son référent incendie, Martin Thomas, concluent à un « delayed (retardé) backdraft » à l’étage. Un tel phénomène a lieu lorsqu’une source d’ignition, venant du volume en feu, atteint un autre volume où il existe un mélange air-fumées dans sa plage d’inflammabilité. Il s’agit d’un type de « fire gas ignition » (FGI), une catégorie de phénomènes thermiques, hélas, non enseignée en France, contrairement aux backdraft et flashover.
D’après les tests et le rapport scientifiques établis par la suite, le feu, initialement situé dans la cuisine, est confiné par l’occupante. Mais seuls les gonds de la porte menant au salon seront retrouvés, en position fermée. En espace clos, le feu tend à s’étouffer faute d’air, d’où une combustion plus incomplète, très fumigène et à forte teneur en monoxyde de carbone. L’habitation se remplit de gaz chauds et combustibles via les interstices.
Suivant les estimations, la fenêtre (simple vitrage) aurait cédé sous la chaleur vers 6 h 05, permettant au feu de reprendre sa croissance jusqu’au flashover. Au-dessus de la cuisine embrasée, les parois, l’escalier et le plancher de l’étage notamment, sont surchauffées, entraînant la pyrolyse de la moquette. Même si le feu est confiné à la cuisine, le reste du pavillon est préjugé très enfumé à 6 h 10. Seules la fenêtre de la cuisine et la porte d’entrée sont alors ouvertes.
Du fait des températures extrêmes dans la cuisine (1 000 °C), le plafond bois et mortier finit par céder vers 6 h 15, d’après les tests, et laisse une source d’ignition atteindre le mélange explosif air-fumées accumulé à l’étage. La déflagration à l’étage se propage au RDC par l’escalier, embrasant à l’issue le pavillon. Mais en descendant l’escalier, l’onde de pression referme la porte du hall sur le tuyau, piégeant le binôme d’attaque.
Selon les conclusions de la commission, les pompiers de Blaina n’étaient pas assez formés et entraînés pour faire face à ce type d’intervention. Leurs connaissances théoriques et leur savoir-faire pratique étaient inadaptés aux risques opérationnels. Des entraînements sécurisés mais réalistes en feu réel (caissons…) leur auraient permis de mieux maîtriser la lecture du feu, son développement et les signes annonciateurs de phénomènes thermiques. Ces formations feux en espaces clos, initiées par les pompiers suédois, se multiplieront dans le pays après 1996. Aucun mort au feu ne surviendra les cinq années suivantes. Pourtant, des pompiers précurseurs tels Paul Grimwood et John Taylor avaient déjà tenté de sensibiliser leur hiérarchie et introduit ces entraînements, respectivement en 1985 et 1990.
Une analyse plus nuancée
À la lecture du feu, ces deux experts en phénomènes thermiques ne croient guère en l’hypothèse du « feu confiné à la cuisine qui traverse le plafond ». D’ailleurs, si ce plancher a cédé, c’est probablement à la suite de l’embrasement du pavillon, comme un test ultérieur de résistance au feu tendra à le confirmer.
Dans 3D Firefighting, Paul Grimwood explique tout d’abord que ce qu’on appelait à l’époque « delayed backdraft », au Royaume-Uni, était en fait une « smoke explosion » (explosion des gaz de combustion), un type de FGI. Or l’absence de graves dommages structurels post-incendie contredit la survenue d’une explosion.
L’important panache qui se dégageait en haut de la porte d’entrée pose lui aussi question : où allait l’air qui rentrait dans le pavillon par la partie inférieure de cette ouverture ? Les fenêtres avant et arrière sont restées intactes sauf celle de la cuisine, dont la porte était présumée « fermée ». Ces ouvrants noircis par des fumées « riches » de produits de combustion et de gaz de pyrolyse imbrûlés traduisent pourtant le non-confinement entre la cuisine et le reste du pavillon. Les portes étaient donc forcément ouvertes, sinon les fumées visibles auraient été grises (plus claires car diluées par l’air). Objectivement, même si on la considère a priori close, la maigre porte de la cuisine avait déjà brûlé en partie quand les secours se sont présentés.
De plus, comment expliquer que des flammes s’échappaient par toute la surface de la fenêtre de la cuisine ? D’où provenait l’air attisant le feu de cette pièce embrasée ? L’incendie y avait alors atteint son stade de plein développement et se propageait au salon, alimenté en air via la porte d’entrée et celle du salon.
La vélocité du panache noir témoigne en fait d’un feu en phase de croissance. Bien que contrôlé par la ventilation, il dégage une réelle énergie, car il se développe inexorablement dans le salon où la charge et le potentiel calorifiques sont considérables : mobilier et équipement riches en matières synthétiques et 50 cassettes vidéos stockées sous l’escalier !
Le courant de convection entre le RDC et l’étage est favorisé par l’escalier non confiné. Les faibles températures hivernales accentuent les échanges entre l’intérieur et l’extérieur car l’air frais est encore plus dense. Le pavillon est saturé de fumées dont le mélange est riche, au-delà de la limite supérieure d’inflammabilité. Mais l’apport d’air dilue progressivement le mélange trop riche pour s’enflammer et le rapproche de sa plage d’inflammabilité.
Quid des lueurs orangées venant de l’arrière du RDC observées par le pompier Daniels ?
Et l’équipe d’attaque qui, dans l’escalier, ressent une forte chaleur au niveau des oreilles ? Les petits volumes favorisent la montée rapide en température. La chaleur au RDC augmente car l’apport d’air accroît l’intensité et la puissance du feu. Des rollovers y apparaissent dans le plafond de fumées. Or sur son site smokeburns.com (retex « english victorian house fire »), John Taylor insiste sur la façon dont ces rouleaux de flammes, signes critiques et avant-coureurs du flashover, se propagent vers le point le plus haut du bâtiment car optant pour la moindre résistance. Ils s’élèvent par l’escalier plutôt que de sortir par le hall, masqués par le panache de fumées.
À l’étage, les rollovers entraînent une montée en température et provoquent fatalement un embrasement généralisé éclair. L’air est vital pour le front de flammes qui cherche une issue : l’escalier ! Son rétrécissement provoque l’accélération et un effet de souffle, le fameux « whoosh », qui projette les pompiers au RDC, puis claque la porte d’entrée ainsi que celle de la cuisine. Qualifié de « flashover progressif » par John Taylor, ce développement rapide du brasier était selon lui évitable. À partir de la lecture du feu, fermer la porte du salon aurait permis d’isoler l’escalier donc l’étage du foyer, sauvegardant l’itinéraire de repli. Cette tactique d’antiventilation de l’incendie au RDC aurait freiné son développement, le temps d’effectuer les sauvetages. Certes prioritaires, les actions de secours sont cependant intimement liées à la maîtrise du sinistre, ajoute Paul Grimwood. Alternative au confinement, une attaque combinée avec les sauvetages semblait bel et bien réalisable avec deux binômes.
http://www.soldats-du-feu.com/ |
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